Vous signez un contrat d'infogérance. Le commercial vous a dit que "tout est inclus". Six mois plus tard, votre comptable veut un nouvel écran. Le technicien débarque, branche l'écran en 10 minutes, et vous recevez une facture de 180€ HT.
Votre réaction ? "Mais je pensais que c'était inclus !"
Bienvenue dans le monde merveilleux du périmètre d'intervention. Ce truc flou que personne ne lit vraiment avant de signer — et qui génère 80% des litiges entre PME et prestataires IT.
Le périmètre : la définition cash
Le périmètre d'intervention, c'est la liste précise de ce que votre prestataire s'engage à faire (et à ne pas faire) dans le cadre de votre forfait mensuel.
En théorie, c'est simple. En pratique, c'est un champ de mines.
Mon observation terrain : sur mes 200+ audits de contrats depuis 2020, j'ai vu exactement 12 contrats avec un périmètre vraiment clair et sans ambiguïté. Douze. Les autres ? Des phrases vagues type "maintenance du parc informatique" qui peuvent vouloir dire tout et son contraire.
Ce qui est (généralement) inclus dans un contrat standard
Quand un prestataire parisien vous propose un forfait "tout inclus" pour PME, voici ce que ça couvre habituellement :
Généralement inclus
- Support utilisateur à distance (hotline, mail, prise en main)
- Gestion des mises à jour Windows/Office
- Supervision de l'antivirus/EDR
- Gestion des sauvegardes (vérification quotidienne)
- Dépannage des problèmes logiciels courants
- Monitoring serveur (si serveur inclus dans le parc)
Ce qui n'est (presque) jamais inclus
Et voilà où ça se corse. Ces trucs-là, 90% des clients pensent que c'est inclus. Ça ne l'est pas.
Attention : hors forfait dans 95% des contrats
- • Interventions sur site (déplacement facturé 80-150€/heure)
- • Installation de nouveaux postes (150-250€ par poste)
- • Remplacement de matériel défaillant (hors garantie)
- • Migration de serveur ou changement d'infrastructure
- • Formation utilisateurs
- • Support sur logiciels métier spécifiques
- • Récupération de données après crash
- • Audit de sécurité approfondi
Je me souviens d'un cabinet d'avocats du 8ème. 15 personnes, contrat à 850€/mois. Le gérant était persuadé que l'installation de 3 nouveaux postes pour des stagiaires était incluse. Résultat : 720€ de surprise sur la facture de septembre. Le commercial avait bien dit "on gère tout votre parc" — mais pas "on installe gratuitement vos nouveaux postes".
Les zones grises qui coûtent cher
C'est là que ça devient vicieux. Il y a des trucs qui ne sont ni clairement inclus, ni clairement exclus. Le prestataire interprète à sa sauce — généralement dans le sens qui l'arrange.
Zone grise n°1 : la limite entre support et dépannage
"Mon Outlook rame" — c'est du support (inclus).
"Mon Outlook a planté et j'ai perdu tous mes mails" — c'est du dépannage (peut-être hors forfait).
La frontière ? Ça dépend de l'humeur du technicien et de la politique commerciale du moment.
Zone grise n°2 : les logiciels métier
Votre logiciel de compta plante. Qui gère ? En théorie, c'est l'éditeur. En pratique, vos utilisateurs appellent le support IT parce qu'ils ne savent pas faire la différence. Et le prestataire facture le temps passé à "diagnostiquer que ce n'est pas de son ressort".
Conseil de pro
Demandez une liste exhaustive de vos logiciels métier AVANT signature, et faites préciser noir sur blanc lesquels sont supportés, lesquels ne le sont pas. Un tableau simple, 5 minutes de travail, des milliers d'euros d'économies potentielles.
Zone grise n°3 : les "petites" interventions sur site
Brancher un câble réseau. Déplacer un PC d'un bureau à l'autre. Changer un écran. Le technicien peut faire ça en 5 minutes. Mais s'il doit se déplacer, c'est minimum 1h facturée. À 95-120€ de l'heure à Paris.
Certains contrats incluent X heures d'intervention sur site par mois. D'autres non. Vérifiez.
Comment clarifier le périmètre AVANT de signer
Voici ma méthode, testée sur des dizaines d'accompagnements :
Les 5 questions à poser au commercial
- "Donnez-moi 3 exemples d'interventions qui seraient facturées en plus du forfait." S'il hésite ou dit "rien", c'est du bullshit.
- "Combien d'heures d'intervention sur site sont incluses par mois ?" Zéro, c'est la norme. Plus, c'est un bonus. Moins... c'est impossible.
- "Si je recrute un collaborateur le mois prochain, quel est le coût d'installation de son poste ?" Réponse attendue : 150-250€ si hors forfait, gratuit si inclus (rare).
- "Mon logiciel de compta [nom] plante. Vous intervenez ?" Réponse honnête : "On diagnostique, mais si c'est un bug éditeur, on vous redirige vers le support."
- "Vous avez une grille tarifaire des interventions hors forfait ?" S'ils n'en ont pas, négociez pour l'avoir PAR ÉCRIT.
Ce que je recommande aux PME parisiennes
Après 22 ans dans le métier, voici ce que je conseille systématiquement :
1. Exigez une annexe au contrat avec la liste exhaustive de ce qui est inclus ET ce qui est hors forfait. Pas de "maintenance informatique" vague — des items précis.
2. Négociez un "quota" d'interventions sur site. Même 2-3h par trimestre, c'est toujours ça de pris. Ça évite les surprises sur les petits dépannages physiques.
3. Faites préciser les tarifs horaires des interventions hors forfait. Un bon prestataire n'a rien à cacher.
4. Demandez un reporting mensuel des interventions réalisées. Ça permet de vérifier que vous payez pour un service réel — et d'anticiper les dérives.
Un prestataire sérieux ne sera jamais gêné par ces questions. Au contraire : il appréciera de travailler avec un client qui sait ce qu'il veut. Les margoulins, eux, détestent la transparence. C'est un excellent test de sélection.
Le mot de la fin
Le périmètre d'intervention, c'est le nerf de la guerre. Un contrat avec un périmètre flou, c'est une invitation aux conflits et aux factures surprises.
Prenez 30 minutes pour lire cette partie du contrat. Posez les bonnes questions. Et si le commercial fait des promesses orales du type "ça, on le fera", exigez que ce soit écrit.
Ce qui n'est pas écrit n'existe pas.
Samir Khelifi
22 ans dans l'IT parisien. A commencé technicien réseau chez un petit MSP du 10ème en 2001, grimpé jusqu'à directeur technique. A géré l'IT de 180+ PME parisiennes (cabinets d'avocats, agences, startups, médecins). Parti en 2019 après un burn-out : trop de clients mal conseillés par les commerciaux, trop de promesses intenables, trop de nuits à éteindre des incendies causés par des décisions commerciales débiles.
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