Contrats et pièges
Vous allez signer un contrat d'infogérance ? Stop. Avant de parapher quoi que ce soit, lisez ça. J'ai audité plus de 200 contrats depuis 2020. Et je peux vous dire que 80% contiennent au moins une clause qui va vous coûter cher — soit en euros, soit en emmerdements.
Le truc, c'est que les commerciaux IT sont formés à la vente, pas à la transparence. Leur job ? Vous faire signer le plus vite possible, sur la durée la plus longue possible, avec le maximum de clauses qui les protègent eux — pas vous.
Et le pire ? La plupart des dirigeants de PME signent sans lire. Ou lisent sans comprendre (ce qui revient au même). Résultat : quand ça part en sucette — et ça finit toujours par partir en sucette — ils découvrent qu'ils sont pieds et poings liés.
Mon constat après 22 ans : un contrat d'infogérance, c'est comme un contrat de mariage. Personne ne pense au divorce quand il signe. Mais c'est EXACTEMENT à ce moment-là qu'il faut y penser.
Les 7 pièges que je vois dans 80% des contrats
Je ne suis pas avocat. Mais après avoir épluché plus de 200 contrats, je connais les arnaques classiques par cœur.
L'engagement 36 mois
Le grand classique. On vous vend ça comme "un prix préférentiel pour un engagement long". En vrai ? C'est une prison.
Coût réel : Si vous voulez partir au bout de 18 mois, attendez-vous à payer 6 à 12 mois de pénalités. J'ai vu des PME de 20 personnes sortir 25K€ juste pour changer de prestataire.
La tacite reconduction
Le contrat se renouvelle automatiquement si vous ne dénoncez pas 3 mois avant. Et devinez quoi ? Personne ne met de rappel dans son agenda.
Mon conseil : Mettez un rappel Outlook/Google Calendar le jour de la signature. Dans 33 mois. Avec notification 2 semaines avant.
Le périmètre flou
"Maintenance du parc informatique" — ça veut dire quoi concrètement ? Serveurs inclus ? Postes perso des employés en télétravail ? Imprimantes ?
Règle d'or : Si c'est pas écrit noir sur blanc, c'est pas inclus. Et quand vous appellerez pour une imprimante qui déconne, ce sera "hors périmètre" — 90€/h.
Les SLA bidons
"Temps de réponse garanti 4h". Cool. Mais temps de réponse ≠ temps de résolution. Ils peuvent répondre "on a bien reçu votre ticket" en 4h et mettre 3 jours à résoudre.
À négocier : GTI (Garantie de Temps d'Intervention) ET GTR (Garantie de Temps de Rétablissement). Les deux. Pas l'un sans l'autre.
La réversibilité fantôme
Vous partez. Super. Mais vos données ? Vos mots de passe admin ? Votre documentation technique ? Surprise : rien n'est prévu dans le contrat.
Vécu : Cabinet d'avocats du 16ème, 2021. Changement de presta. L'ancien a "perdu" les mots de passe admin du serveur. Nouveau presta obligé de tout réinstaller from scratch. 15K€ de surcoût.
Les sauvegardes "incluses"
"Sauvegardes quotidiennes incluses". Super. Mais testées ? Jamais. Et quand le ransomware frappe, on découvre que les backups sont corrompus depuis 6 mois.
À exiger : Tests de restauration trimestriels, avec PV signé. Si le presta refuse cette clause, fuyez. Sérieusement.
La révision tarifaire unilatérale
"Le prestataire se réserve le droit de réviser ses tarifs une fois par an." Traduction : +5 à +15% chaque année, sans discussion possible.
À négocier : Indexation sur l'inflation (indice Syntec par exemple), plafonnée à 3%/an. Ou droit de sortie sans frais si augmentation >5%.
"Agence de com' du 11ème, 35 personnes. Contrat signé en 2019 avec une ESN "réputée". Engagement 36 mois, tacite reconduction, périmètre flou. Prix de départ : 2 800€/mois."
En 2022, ils m'appellent. Le contrat s'est renouvelé automatiquement (personne n'avait dénoncé). Prix actuel : 3 400€/mois après 2 révisions. Service catastrophique — 48h pour un ticket simple. Ils veulent partir.
Résultat de mon audit : pour sortir proprement, il leur fallait payer 8 mois de pénalités + 4 500€ de "frais de réversibilité" (clause planquée en page 18). Total : ~32 000€ pour le droit de partir.
Ce qu'ils auraient dû faire :
Négocier un engagement 12 mois max, une clause de sortie à 3 mois de préavis, et lire les 22 pages du contrat. Temps estimé : 2h. Économie : 32K€.
Checklist : 15 points à vérifier avant de signer
Imprimez cette liste. Cochez chaque point. Si votre presta refuse de clarifier un point, c'est un red flag.
A Durée et engagement
- Durée d'engagement : 12 mois max recommandé (24 mois = acceptable, 36 mois = fuyez)
- Conditions de résiliation : préavis de 3 mois max, sans pénalités après 12 mois
- Tacite reconduction : durée de renouvellement (pas plus de 12 mois)
B Périmètre précis
- Liste exhaustive des équipements couverts (serveurs, postes, mobiles, imprimantes…)
- Liste des logiciels maintenus (Office 365 ? ERP métier ? Logiciel compta ?)
- Exclusions explicites (ce qui N'EST PAS couvert)
C Engagements de service (SLA)
- GTI (Garantie de Temps d'Intervention) par niveau de criticité
- GTR (Garantie de Temps de Rétablissement) — pas juste "réponse"
- Pénalités en cas de non-respect des SLA (réduction sur facture suivante)
D Sécurité et données
- Politique de sauvegarde détaillée (fréquence, rétention, lieu de stockage)
- Tests de restauration : fréquence et PV fournis
- Clause de confidentialité et sous-traitance (où vont vos données ?)
E Sortie et réversibilité
- Clause de réversibilité : transfert de données, documentation, mots de passe
- Frais de sortie : montant max ou grille tarifaire claire
- Délai de transition : accompagnement du nouveau prestataire (minimum 1 mois)
Gardez cette checklist sous la main lors de vos négociations
Comment négocier (même si vous n'y connaissez rien)
La bonne nouvelle : les prestataires IT ont l'habitude que personne ne négocie. Du coup, dès que vous posez des questions précises, ils vous prennent au sérieux.
Le script de négo en 5 étapes
Demandez le contrat AVANT le RDV commercial
"Envoyez-moi votre contrat type, je le lirai avant notre RDV pour pouvoir poser des questions précises." Si le commercial hésite, red flag.
Lisez-le en diagonale (30 min suffisent)
Cherchez : durée engagement, tacite reconduction, SLA, réversibilité, révision tarifaire. Surlignez ce qui vous choque.
Posez LA question magique
"Si dans 18 mois je veux partir, quel est le coût exact et le process ?" La réponse vous dira tout sur leur mentalité.
Demandez des modifications écrites
"Je suis OK pour signer, mais je veux modifier la clause X comme ceci." Un bon presta accepte de négocier. Un mauvais presta dit "c'est notre contrat standard, pas modifiable".
Faites jouer la concurrence
"J'ai 3 devis. Vous êtes en tête sur le service, mais votre concurrent propose 12 mois d'engagement vs vos 36. Que proposez-vous ?"
Le truc qui marche à tous les coups
Dites simplement : "Mon comptable / avocat / consultant IT veut relire le contrat avant signature." Même si c'est faux. Ça suffit souvent à faire disparaître les clauses les plus abusives.
Les vrais prix du marché parisien en 2024
Basé sur 47 contrats audités cette année. Pas de la théorie — du terrain.
| Taille entreprise | Forfait mensuel | Prix/poste |
|---|---|---|
| 5-10 postes | 600 - 1 200€/mois | 60-120€/poste |
| 10-25 postes | 1 000 - 2 500€/mois | 50-100€/poste |
| 25-50 postes | 2 000 - 5 000€/mois | 45-90€/poste |
| 50-100 postes | 4 000 - 9 000€/mois | 40-80€/poste |
⚠️ Attention : Ces prix sont pour une infogérance "standard" (helpdesk, supervision, maintenance). Sécurité avancée, conformité RGPD, support 24/7 = +30 à +50%.
💡 Mon conseil : Un prix anormalement bas (moins de 40€/poste) cache souvent des exclusions massives ou une réactivité désastreuse.
Les clauses à faire modifier (avec formulations)
Clause dangereuse
"Le présent contrat est conclu pour une durée de 36 mois, renouvelable par tacite reconduction pour une durée identique."
À remplacer par
"Le présent contrat est conclu pour une durée initiale de 12 mois, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de 12 mois. Chaque partie peut résilier avec un préavis de 3 mois."
Clause dangereuse
"Le prestataire se réserve le droit de réviser ses tarifs une fois par an."
À remplacer par
"Les tarifs peuvent être révisés annuellement selon l'indice Syntec, dans la limite de 3% par an. En cas de révision supérieure à 5%, le Client dispose d'un droit de résiliation sans frais dans les 30 jours suivant la notification."
Clause dangereuse
"En cas de résiliation anticipée, le Client devra s'acquitter de l'intégralité des mensualités restant dues jusqu'au terme du contrat."
À remplacer par
"En cas de résiliation anticipée après la première année, le Client devra s'acquitter d'une indemnité équivalente à 3 mois de prestations. Aucune indemnité n'est due en cas de manquement grave du Prestataire à ses obligations."
Mon opinion (et je l'assume)
Un contrat d'infogérance devrait être simple. 5-10 pages max. Lisible par quelqu'un qui n'est pas juriste. Avec des engagements clairs des deux côtés.
Quand je vois des contrats de 25 pages avec 18 annexes, je sais déjà que c'est conçu pour embrouiller le client. Et souvent, plus le contrat est long, plus il y a de clauses toxiques planquées dedans. Ma règle perso : si le commercial ne peut pas m'expliquer une clause en 30 secondes, c'est qu'elle est faite pour m'arnaquer.
Besoin d'un regard extérieur sur votre contrat ?
Je ne vends rien. Mais si vous hésitez sur un contrat, vous pouvez me l'envoyer. Je fais un premier retour gratuit (30 min max) pour les PME parisiennes de moins de 50 personnes.
Envoyer mon contrat pour avisRéponse sous 48-72h en moyenne
Samir Khelifi
22 ans dans l'IT parisien. A commencé technicien réseau chez un petit MSP du 10ème en 2001, grimpé jusqu'à directeur technique. A géré l'IT de 180+ PME parisiennes (cabinets d'avocats, agences, startups, médecins). Parti en 2019 après un burn-out : trop de clients mal conseillés par les commerciaux, trop de promesses intenables, trop de nuits à éteindre des incendies causés par des décisions commerciales débiles.
Article mis à jour le
Sources et références
- ESN en France — Classement des meilleures ESN à Paris
- ACI Technology — Guide des entreprises d'infogérance
- IT for Business — Classement 2024 des ESN et ICT
- Airmes Soft — Guide du prestataire informatique